François de Pange et Germaine de Staël.

Germaine de Staël (1766-1817) s'éprend de François de Pange, qui a émigré dans des conditions difficiles et qui est devenu imprimeur pour survivre.. Nous sommes en 1794-5... Alors qu'en amour Madame de Staël liquide le passé avec Narbonne, prépare l'avenir avec Ribbing et occupe le présent avec Benjamin... ( selon G. de Diesbach)

Revenons dans le temps :

Le chevalier François de Pange (1764-1796), est le cadet d'une famille noble, proche de la cour. A  quatre ans, il est déjà nommé chevalier de Saint-Jean de Jérusalem ; et il est destiné à devenir chevalier de l'Ordre de Malte ( et voué au célibat).

En cette année 1784, François de Pange qui va avoir 20 ans est très malade. Il, est soigné par sa cousine Anne-Louise de Sérilly ( peu heureuse en ménage) qui, bien qu'enceinte de son troisième enfant, veille scrupuleusement sur sa guérison et s'inquiète de savoir s'il a bu son quinquina.

Anne-Louise de Serilly (18ans)

Anne-Louise et son mari sont des proches de Germaine de Staël et d’André Chénier. François et ses frères sont reçus chez le ministre Jacques Necker où il rencontre les plus grands penseurs de son temps dont Marmontel, l'ami de Voltaire, l'abbé Morelletet, et la fille de son hôte, Germaine, qui est de deux ans sa cadette. François est ébloui par l'esprit de Germaine, elle-même n'est pas insensible au charme du jeune-homme... Germaine épouse en janvier 1786 le baron de Staël von Hosltein, ambassadeur de Suède auprès de la cour de France.

Dans le même temps, François s'éprend d'Adélaïde Piscatory de Vaufreland (1766-1843); ses sentiments sont partagés, mais ses ''devoirs'' ( envers ses parents)le ramènent vers l'Ordre de Malte...

Adélaïde épouse le 14 juillet 1789 le comte Emmanuel de Pastoret...

Pris par l'amour des Lettres, François renonce à la carrière des armes. Il est le meilleur ami du poète André Chénier (1762-1794) ; tous deux font partie du parti constitutionnel, admirent la Révolution de 1789 et Chénier prend position violemment contre le jacobinisme mené par Robespierre, tout en méprisant les royalistes.

François de Pange publie dans la presse de l’époque différents articles critiquant les dérives de la Révolution ( dans un long article du 5 août 1792, il dénonce l'inhumanité des Jacobins ) et la marche à la guerre. Il trouve refuge – avec d'autres membres de la famille ( de Montmorin …) dans la demeure du couple Anne-Louise ( sa cousine) et son mari le comte de Sérilly au château de Passy-sur-Yonne en Bourgogne... Antoine de Sérilly va être arrêté en son château de Passy, le 21 février 1794 et conduit à Paris pour y être jugé. Anne-Louise, après avoir laissé ses enfants à la garde de Madame de Montmorin, se rend à Paris dans l’espoir de défendre son mari ; mais elle est arrêtée dès son arrivée. Anne-Louise, arrêtée, jugée... bénéficie d'un sursis à sa condamnation à mort, pour être enceinte. La ''veuve Sérilly'' sera libérée après le chute de Robespierre...

François, fidèle à ses convictions, émigre mais refuse de porter les armes contre sa patrie et s'installe en Suisse.

André Chénier sera arrêté à Passy, le 7 mars 1794, alors qu’il rend visite à son amie, Mme Pastoret.

C'était par Chénier, qu'Adélaïde Pastoret connut anciennement François de Pange.

François de Pange, a réussi à se réfugier en Suisse auprès de Madame de Staël. Il est devenu son imprimeur... à La Neuveville, non loin de Coppet où réside Madame de Staël qui lui a confié l'édition de ses œuvres Réflexions sur la Paix intérieure et Zulma. Le chevalier de Pange, aigri, est sujet à la mélancolie... Il dédaigne les avances de Germaine de Staël qui compte remplir un coeur qui lui apparaît inoccupé, alors qu'il reste épris de Mme de Sérilly ( mais le tait...) ... Apprenant qu'Anne-Louise est vivante et veuve, il rentre vers Paris.

François de Pange retrouve son logement à Passy. Madame de Pastoret toujours amoureuse de lui, elle divorce de Claude-Emmanuel marquis de Pastoret, celui-ci ayant émigré en 1795. Elle espère épouser le chevalier revenu d'émigration ; mais elle se heurte également à sa froideur et son mal de vivre … Lui, de son côté, « ne cesse de penser à celle qui fut son premier amour, la tendre confidente de sa jeunesse. Il lui écrit souvent et se préoccupe de ses enfants. » Édith de Pange, Le chevalier de Pange

Les deux cousins, enfin, vont se marier le 23 janvier 1796, et s’installent à Passy-sur-Yonne: ce qui inspire une jalousie amère à Madame de Staël... Bien qu'ayant trouvé le repos auprès d'une femme qui l'aime, la santé de François de Pange s'altère. Veillé par son épouse, François de Pange s'éteint à Passy-sur-Yonne le 15 juillet 1796 à l'âge de 31 ans. Anne-Louise meurt à Paris en 1799, à l'âge de 36 ans. Auparavant elle se sera remariée avec un vieil ami, le marquis de Montesquiou, qu'elle aura soigné, et dont elle aura contractée la maladie...

de STAEL - Corinne ou l'Italie

En 1807, madame de Staël, qui s'était offusquée du remariage d'Anne-Louise, publie un roman "Corinne ou l'Italie". Ceux qui l'ont connu, reconnaissent le chevalier de Pange sous les traits d'Oswald.

Madame de Staël écrit on 1800 dans De la Littérature (Première Partie, chap. 11 ) :

« Ce que l'homme a fait de plus grand, il le doit au sentiment douloureux de l'incomplet de sa destinée. Les esprits médiocres sont, en général, assez satisfaits de la vie commune: ils arrondissent, pour ainsi dire, leur existence, et suppléent à ce qui peut leur manquer encore par les illusions de la vanité: mais le sublime de l'esprit, des sentiments et des actions doit son essor au besoin d'échapper aux bornes qui circonscrivent l'imagination. L'héroïsme de la morale, l'enthousiasme de l'éloquence, l'ambition de la gloire donnent des jouissances surnaturelles qui ne sont nécessaires qu'aux âmes à la fois exaltées et mélancoliques, fatiguées de tout ce qui se mesure, de tout ce qui est passager, d'un terme enfin, à quelque distance qu'on le place. »

Le château de Pange ( près de Metz)

Notes : Le comte Jean de Pange (1881-1958) ( petit-neveu de François de Pange, celui qui fut aimé de Madame de Staël) , a épousé Laure Marie Pauline de Broglie (1888-1972) , ( devenue ainsi comtesse de Pange, est une femme de lettres française). Pauline de Pange créa et anima un cercle d'études sur son ancêtre, Madame de Staël.

Albertine (1797-1838) ( fille de Germaine de Staël) épouse Victor de Broglie (1785-1870), et a pour fils Albert de Broglie ( 1821-1901), qui a pour fils Victor de Broglie (1846-1906) : le père de Pauline de Broglie...

Edith mariée à Roland de Pange ( lui-même fils de Jean (1917-1999), et fils de Pauline de Broglie, l'arrière-petite-fille de Mme de Staël ) perpétue aujourd'hui la tradition littéraire.