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Lecture des Mémoires de Casanova -4/.-

Publié le par Perceval

Des parents acteurs, il n'est pas surprenant de constater que Casanova est acteur ; et qu'il devient le personnage qu'il envisage de jouer …

« Réfléchissant qu'il n'y avait plus d'apparence que je puisse faire fortune en qualité et en état d'ecclésiastique, j'ai formé le projet de m'habiller en militaire dans un uniforme de caprice... J'ai acheté une longue épée, et avec ma belle canne à la main, un chapeau bien troussé à cocarde noire, mes cheveux coupés en faces, et une longue queue postiche, je suis sorti pour en imposer ainsi à toute la ville. Je suis d'abord allé me loger au Pèlerin. Je n'ai jamais eu un plaisir de cette espèce pareil à celui que j'ai ressenti me voyant au miroir habillé ainsi. Je me trouvais fait pour être militaire, il me semblait d'être étonnant ».

Il prend même très mal, que quelqu'un qu'il ne connaît pas lui dise que « ce n'est pas vrai.. » : il se sent « en devoir » de réclamer une excuse « ayant sur le corps un uniforme ».

Le conteur s'amuse de plus à nous perdre en ajoutant que – gazette à l'appui – tout le monde le prend pour l'officier qui a tué en duel son capitaine.. ! Difficile de savoir la limite entre la réel et l'imaginaire...

D'ailleurs Casanova, déclare dans la Préface : « Ils [les lecteurs] trouveront que j'ai toujours aimé la vérité avec tant de passion, que souvent j'ai commencé par mentir pour la faire entrer dans des têtes qui n'en connaissaient pas les charmes ».

Bellino, Cécile & Marine - d’après Julius Nisle

Au cours de notre lectures , il s'agit là aussi de travestissement, puisque Casanova tombe amoureux du faux castrat Bellino, dont il tient à connaître le secret... Ce sera assez long, mais il finit par faire avouer le personnage ambigu qu'est Bellino-Thérèse... : « je n’ai jamais pu détacher mes yeux de cet être que ma nature vicieuse me forçait à aimer et à croire du sexe dont j’avais besoin qu’il fût »...

Bellino-Thérèse va réapparaître au cours de ses Mémoires. La Calori, la Palesi, Teresa Lanti et Bellino-Théresa sont une seule et même personne. Il s'agit d' Angiola Caloro ( 1732-1790) cantatrice célèbre de son temps.

Casanova songe à se lier à Thérèse pour la vie, à s'installer avec elle à Venise... Mais, il perd son passeport, et le voilà contraint à quelques détours... La jeune femme est engagée à Naples. Giacomo ne tient pas à y retourner... Et sa nouvelle carrière doit passer par Constantinople …

 

A Constantinople, il dépose sa lettre de recommandation signée par le cardinal Acquaviva auprès du comte de Bonneval. Cet homme, originaire du Limousin, est un lettré converti à un islam turc et tolérant. Il lui permet de rencontrer l'élite du pays et débattre de questions religieuses et morales en sirotant de l'hydromel...

Le harem, scene turque, odalisques et Turcs fumant des narguiles sur des coussins

Les Mille et une Nuits, selon Casanova :

L'objectif de Casanova est de confronter les idées occidentales, à celles d'un Orient qui n'aurait pas les mêmes préjugés...

Les scènes les plus emblématiques se déroulent à l'intérieur de la riche résidence d'Ismail Efendi, ancien ministre des affaires étrangères, qui l’invite dans son yali au bord du Bosphore... L'atmosphère est chargée de mystère et de sensualité : Casanova se retrouve à danser la forlane, une danse vénitienne très vive, avec une mystérieuse inconnue, appelée dans la salle du banquet par le propriétaire de la maison. Tous, spectateurs, lecteurs nous sommes aimantés par l'apparition de cette femme masquée dont on devinent la beauté et le charme : l’élégance des formes, l’agrément de sa taille, la suavité voluptueuse des contours … Une ''esclave'' italienne, du harem d'Ismaïl...

Nous contemplons ensuite avec l'auteur, d'une fenêtre cachée qui donne sur l'endroit où les favorites du harem d'Ismaїl se rendent pour se baigner la nuit.

Le Pacha dans son Harem » par François Boucher

«(..) la lune donnant en plein sur les eaux du bassin, nous vîmes trois nymphes qui, tantôt nageant, tantôt debout ou assises sur les degrés de marbre, s’offraient à nos yeux sous tous les points imaginables et dans toutes les attitudes de la grâce et de la volupté. Lecteur, je dois vous épargner les détails du tableau, mais, si la nature vous a donné un cœur ardent et des sens à l’avenant, vous devez deviner le ravage que ce spectacle unique et ravissant dut faire sur mon pauvre corps ». Selon l'édition de la Sirène (1924), disponible jusqu'en 1960...

L'édition originale est plus explicite, et fait état d'une relation homosexuelle

« nous voyons presque sous nos yeux trois filles toutes nues, qui tantôt nageaient, et tantôt sortaient de l’eau montant sur des degrés de marbre, où debout, ou assises elles se faisaient voir, pour s’essuyer, dans toutes les postures. Ce charmant spectacle ne put pas manquer de m’enflammer sur-le-champ, et Ismaïl, se pâmant de joie, me convainquit que je ne devais pas me gêner, m’encourageant au contraire à m’abandonner aux effets que cette vue voluptueuse devait éveiller dans mon âme, m’en donnant lui-même l’exemple. Je me suis trouvé, comme lui, réduit à me complaire dans l’objet que j’avais à mon côté pour éteindre le feu qu’allumaient les trois sirènes que nous contemplions tantôt dans l’eau, et tantôt dehors, qui sans regarder la fenêtre paraissaient cependant n’exercer leurs jeux voluptueux que pour brûler les spectateurs qui s’y tenaient attentifs à les regarder. J’ai voulu croire que la chose était ainsi, et je n’ai eu que plus de plaisir, et Ismail triompha se trouvant condamné à remplacer là où il était l’objet distant que je ne pouvais pas atteindre. »

J.-E. Liotard (1702-1789), Laura Tarsi en costume turc.

 

Casanova commente le voile et l'habillement de la femme de Josouff, une grecque originaire de Chios, dont la beauté, en partie seulement devinée, le séduit : « Je voyais un simulacre magnifique, mais je n’en voyais pas l’âme, car une gaze épaisse le ravissait à mes avides regards. Je voyais ses bras d’albâtre arrondis par les grâces, et ses mains d’Alcine où l'on ne voit ni nœud ni veine, et mon imagination active créait tout le reste en harmonie avec ces beaux échantillons [...] tout devait être beau, mais j’avais besoin de voir dans ses yeux que tout ce que j’imaginais avait vie et était doué de sentiment. Le costume oriental n’est qu’un beau vernis tendu sur un vase de porcelaine pour dérober au toucher les couleurs des fleurs et des figures, sans presque rien ôter au plaisir des yeux (…) la femme de Josouff n’était pas vêtue en sultane. Elle avait le costume de Scio, avec une jupe qui n’empêchait de voir ni la perfection de sa jambe, ni la rondeur de ses cuisses, ni la chute voluptueuse et rebondie de ses hanches surmontées d’une taille svelte et bien prise qu’entourait une magnifique ceinture brodée en argent et couverte d’arabesques.»

Casanova tend le bras pour tenter de dévoiler son visage, mais la femme réagit avec véhémence :

- «Madame (…) je n’ai pas eu l’intention de vous offenser : car dans nos mœurs le dernier des hommes peut fixer ses regards sur le visage d’une reine.

Oui mais non lui arracher son voile, si elle en est couverte, Josouff me vengera». Casanova prend peur ...

Le mari revient, il vante la fière beauté de sa femme, lui prédit le bonheur après sa propre mort et un bon mariage, car elle est vierge.

Le comte de Bonneval, commente l'incident : « Cette Grecque, me dit le comte, n’a voulu que se moquer de vous, et vous n’avez couru aucun danger. Elle a été fâchée, croyez-moi, d’avoir affaire à un novice. Vous avez joué une farce à la française quand il fallait aller droit au fait. Quel besoin aviez-vous de voir son nez ? [….] La plus réservée des femmes turques n’a la pudeur que sur le visage, et dès qu’elle a son voile elle est sûre de jamais rougir de rien […]- Elle est vierge – Chose fort difficile mon ami, car je connais les Sciotes : mais elles ont le talent facile de se faire passer pour telle...»

Ces scènes reflètent les stéréotypes d'une époque, et les histoires de Casanova s'y conforment ...

de la BD - « Bonneval Pacha » de Hugues Micol - Dargaud

 

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