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Sainte-Beuve aime Adèle, la femme de Victor Hugo. - 2

Publié le par Perceval

- Dans une nouvelle intitulée Madame de Pontivy, Sainte-Beuve raconte, à peine travestie, son aventure amoureuse avec Adèle Hugo. C’est comme si le passage par la fiction permettait d’accéder à une meilleure compréhension de sa vie...

Note : Dans un article, daté de 1832, il situe le « roman intime » entre l’Histoire et l’histoire. Il s’agit en quelque sorte d’une « histoire altérée, mais que sous le déguisement des apparences une vérité profonde anime».

- Quand il écrit de la poésie, Il pense aux après-midi où il allait rendre visite à madame Hugo, aux promenades où ils s’échangeaient des confidences, et parfois plus que de simples mots :

[…]
Vers trois heures, souvent, j’aime à vous aller voir ;
Et là vous trouvant seule, ô mère et chaste épouse !
Et vos enfants au loin épars sur la pelouse,
Et votre époux absent et sorti pour rêver,
J’entre pourtant ; et Vous, belle et sans vous lever,
Me dites de m’asseoir ; nous causons ; je commence
À vous ouvrir mon cœur, ma nuit, mon vide immense,
Ma jeunesse déjà dévorée à moitié,
Et vous me répondez par des mots d’amitié…

Charles-Augustin Sainte-Beuve, Les Consolations (1830)

Sainte-Beuve aime Adèle, la femme de Victor Hugo. - 2
Sainte-Beuve aime Adèle, la femme de Victor Hugo. - 2

En 1834, il rédige '' Volupté ''. L’intrigue de ce roman, repose en partie sur la vie amoureuse de Guttinguer (1787-1866, poète et romancier français) , et Sainte-Beuve y a aussi placé une partie de son drame sentimental :

Volupté est un roman chrétien. Il conte l'histoire d'Amaury, qui choisit de devenir prêtre après avoir connu un échec amoureux auprès de Madame de Couaën... C'est en lisant les œuvres de Louis-Claude de Saint-Martin ( le philosophe inconnu) qu'Amaury va se détourner du matérialisme pour les choses de l'invisible... Le héros va jusqu'à tenter de rencontrer le théosophe en se rendant à Aulnay

Julius Leblanc Stewart (Philadelphia, 1855 - Paris, 1919) - Détail - rédemption

 

Dans ''Volupté'' - Amaury et Sainte-Beuve recherchent ces plaisirs sensuels qui se prennent à l’abri des regards, en privé. Ils les recherchent puis, honteux, s’accusent de leurs penchants.

Sur l'exemplaire de Volupté qui appartient à la princesse Julie Bonaparte, Sainte-Beuve explique comment il s'était montré chrétien dans ce roman. «J'ai en effet, dit-il, la sensibilité volontiers chrétienne, comme d'autres, sans être croyants, ont l'imagination volontiers catholique. De plus, il faut faire la part, chez l'artiste, des différentes phases morales de la vie et des dispositions particulières où nous mettent les passions. Et enfin, si l'on me serrait de trop près, je dirais: Les anciens poètes s'adressaient à une mythologie deux fois morte; j'ai mieux aimé m'adresser à une mythologie à moitié vivante, et qui était encore une religion.»

-     Note 1 : Veuf, Guttinguer (1787-1866) mène alors une vie de libertin, qui sera brutalement interrompue, en 1828, lorsque prise de remords, une femme mariée avec qui il entretient une liaison, se retire dans une pension religieuse de la rue Picpus. Dépression, suicidaire, il voyage, sur les conseils de Sainte-Beuve, visitant la Suisse de ses ancêtres, la Provence et les Pyrénées. Ce périple est l’occasion d’une amorce mystique, lorsqu’un vieillard lui offre l'Imitation de Jésus-Christ. À son retour en France, en septembre 1829, il décide, à son tour, de se retirer du monde et se fait construire un chalet en forêt dans sa Normandie natale, à Saint-Gatien-des-Bois. (Wiki)

Guttinguer est l’un des premiers à former dès 1824 autour de Charles Nodier le premier Cénacle romantique. Il fréquente les salons, pour le plaisir de converser, de faire de la musique, de danser... Il rencontre une jeune fille de bonne famille. On envisage le mariage, qu'on diffère, car Evelina H. n’a pas seize ans et Ulric se doit avant tout de préciser ses intentions en ce qui concerne son avenir professionnel.

Puis, Madame H. touchée par le charme de la jeunesse et la sensibilité extrême de celui qui s’est d’abord présenté comme un gendre possible. Elle ne tarde pas à succomber et de belle-mère en puissance, madame H. passe au rang d’amante passionnée... Madame H. ne modifie en rien sa conduite dans le monde, elle continue à rechercher les hommages, provoquant chez son jeune amant des scènes de jalousie …

 

« Guttinguer comprenait la religion à la façon des épicuriens ou, ce qui revient au même, à la façon de Chateaubriand. Il la conciliait avec toutes les passions de l'amour. Pour lui c'était une rose mystique qu'on devait effeuiller d'une main pieuse sur un beau corps de femme pâmée. » ( sources : musset-immortel.com)

 

Dans une lettre datée du 23 janvier 1807, madame H. (F, dans le roman …) , a pris conscience de l’impasse dans laquelle elle s’est engagée, et tente de faire renoncer le jeune homme à sa passion. Elle met alors en avant ses devoirs de mère et d’épouse.

À Flaubert , à propos de Mme Bovary, Guttinguer écrira: « j’ai eu mes drames et ma Bovary… qui n’a pas eu la sienne ! »

 

Avec Guttinguer, c'est l'occasion de mentionner cette cohabitation au XIXe, entre religion, et volupté ….

S'épanouir dans la foi, et dans la prière, n'exclut pas pour nos romantiques, l'amour humain ; et d'autant s'il se vit comme une passion pour une femme angélique … !

Amaury se souvient avec délice des sublimes moments où deux âmes unies en Dieu par la prière tandis que leurs corps sont chastement rapprochés...

Réunir Volupté et religion, par l’intermédiaire d'une femme, est envisagé par Sainte-Beuve, et par Ulric Guttinguer...

 

Ulric Guttinger _chalet

Le chef-d’œuvre de Guttinguer : Arthur, a été rédigé dans un chalet qu’il avait fait construire en pleine forêt de Saint-Gatien-des-Bois près d’Honfleur. Là, Ulric Guttinguer a reçu beaucoup des hommes de lettre de son époque depuis Victor Hugo jusqu’à Théophile Gautier sans oublier les deux Dumas, Sand, Sainte-Beuve, Chopin, Flaubert.... Il était rédacteur à la Muse française et fut président de l’Académie de Rouen où il s’efforça sans relâche de convertir ses concitoyens au romantisme.

Mais, Guttinguer se sent incapable de raconter seul l’histoire douloureuse de son dernier amour, il demande à son ami Sainte-Beuve de l’aider. Sainte-Beuve se met au travail en 1830, mais abandonne vite son manuscrit ; cependant c’est de ce projet avorté que sortira, quelques années plus tard le roman de sa propre vie, Volupté....

Guttinguer se voit donc contraint de rédiger lui-même Arthur... Entre temps, la situation a évolué... revenu à la foi de son enfance, l’auteur ne peut plus écrire l’œuvre passionnée ; et le nouvel Arthur (1836) devient le roman d’une conversion...

« Une femme, madame de F. , que gavais recherchée avec légèreté, avec indifférence, s'empara de toute mon existence avec une puissance qu’elle-même ignorait. Ce fut pendant plus de deux années une horrible et délicieuse fièvre qui nous laissa tous les deux épuisés et dévorés. » ''Arthur'' de Guttinguer

 

Il y a affinité entre l'amour tout humain et la grâce divine... Elyse déclare à Arthur : « Je lui dois [à l'amour] de sentir même ces pompes et ces prières de la religion qui ne me disaient rien du tout pendant mon innocence, et que je comprends seulement aujourd'hui qu'elles me condamnent. » Arthur - Sainte-Beuve

A suivre ...

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