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Le XVIIIe siècle : La femme et le libertin. - 5/. -

Publié le par Perceval

Le corps féminin: exploration.

Dans ''le Portier des Chartreux'' (1741), Saturnin fruit d'une nonne et de père inconnu, raconte ses mémoires... Mme Dinville « tétonnière autant que femme du monde » déniaise le jeune homme ...

Les métaphores topographiques et géographiques servent à désigner l’anatomie du corps féminin ; alors que la dame feint de dormir ...

« Devenu plus hardi, je changeai de posture, et mes yeux animés par la vue des tétons, à faire de nouvelles découvertes, voulurent descendre plus bas : je mis la tête aux pieds de la dame, et collant mon visage contre terre, je cherchais à pénétrer dans l’obscur pays de l’amour, et je ne voyais rien : ses jambes étaient croisées, et la cuisse droite se trouvant collée sur la gauche, mettait mes regards en défaut. Je voulus du moins me dédommager, en touchant, de l’impossibilité de voir. Je coulai la main sur la cuisse, et j’avançai insensiblement jusqu’au pied de la montagne ; déjà je touchais du bout du doigt l’entrée de la grotte, je croyais n’en pas souhaiter davantage, je croyais y borner tous mes désirs. »

Ensuite c'est Fanny qui se charge de l'éducation de Saturnin qui « brûlait de connaître comment [elle était] faite » :

« Je me plaçai moi-même dans l’attitude la plus favorable pour exposer à ses regards le petit antre des voluptés et le coup d’oeil luxurieux du voisinage.

Extasié à la vue d’un spectacle si nouveau pour lui, il écarta légèrement les bords de ce sombre et délicieux réduit ; fourrant un doigt dedans, il parvint à cette douce excroissance qui de souple qu’elle était enfla de telle sorte à son toucher que le chatouillement m’arracha un soupir. Cependant il n’abusa pas plus longtemps de ma complaisance. »

L’ouvrage est attribué à Jean-Charles Gervaise de Latouche,avocat au Parlement de Paris (1715-1783).  « Ce qui parcourt ce roman-là, c'est le feu. (…) Là, on arrive avec un érotisme qui n'est pas dans la distance, de l'alignement parfait des corps, mais dans le feu qui va dévorer les personnes qui ressentent du désir. » Caroline Allard 

Le désir de la destination finale de l'amant devient celui du voyageur :

« Je ne restai pas longtemps à table, j’avais mon dessein : le voyageur curieux d’arriver ne s’amuse pas à considérer les prairies qui se trouvent sur son passage.

Rozette savait la carte de mon voyage ; elle m’avait vu mettre le doigt sur l’endroit où je prétendais arriver ; et avait résolu de me donner quelques distractions en chemin ». de Claude GODARD D’AUCOUR, Thémidore ou Mon histoire et celle de ma maîtresse, 1744

Claude Godard d’Aucour (Né à Langres en 1716 ) fut tour à tour fermier général puis receveur général des finances. Il remporta un premier grand succès littéraire avec L’Histoire galante de deux jeunes Turcs durant leur séjour en France, pour lequel il s’inspira des Lettres persanes de Montesquieu.

Thémidore, roman libertin lui aussi paru la même année, raconte l’histoire d’un jeune conseiller au Parlement épris d’une femme rencontrée au cours d’une partie fine. Le père du garçon n’apprécie guère cette liaison et réussit à faire enfermer la gourgandine au couvent. Mais le fils rebelle s’ingénie, avec succès, à l’en libérer. Cette charge ironique contre la religion et les puissants fut interdite à deux reprises sous la Restauration, mais enchanta Maupassant, qui y vit « une merveille de grâce décolletée » et « un impur chef-d’œuvre ».

La Route des plaisirs :

« Dom Procureur, d’abord un peu timide, s’avoisine cependant, caresse délicatement du plat de la main ma blanche et ferme mappemonde… Il ose même glisser un doigt furtif le long du sillon ». Le Diable au corps de Nerciat

« L’amant (Dom Procureur) apparaît alors comme un explorateur encore intimidé par ce qu’il s’apprête à découvrir mais « ose » peu à peu approcher des « terres » du corps de la marquise avant de s’y aventurer tout à fait, de la main et du doigt, afin de (se) révéler ce qui, dans le corps féminin, est le plus caché. La timidité première, la délicatesse et le verbe « oser » tendent ainsi à suggérer que l’exploration du corps féminin ne se fait que dans le risque, la tentative hardie, comme s’il y avait quelque danger à se lancer ainsi à la découverte de ces terra incognita d’un autre genre. » Morgane Guillemet

Le chevalier de Nerciat (1739-1800), libertin et fin politique, il a su avec joie de vivre et santé heureuse, traverser une époque plus difficile … À vingt ans, soit en 1759, il embrasse la carrière militaire et entre comme lieutenant dans le bataillon de milices de la province de Bourgogne. Il voyage... En 1771, il est gendarme de la garde du Roi. Il fréquente alors les salons du marquis de La Roche et Nerciat le suivra à la cour de Frédéric II. Le chevalier aurait, durant cette période, c’est-à-dire pendant quatre ans, fréquenté des sociétés secrètes de libertinage. En 1775 paraissent les premières œuvres du chevalier : son roman Félicia ou mes fredaines obtient un succès immédiat...

Nerciat quitte en 1775Paris et voyage en Suisse et en Allemagne où il remplit de secrètes missions pour la Cour. On suppose qu’il était agent secret tout comme Mirabeau et Dumouriez...

En 1782, sa première femme décède. En 1783, il est de retour à Paris, où il épouse Marie-Anne-Angélique Condamin de Chaussan, originaire de Lyon et âgée de dix-huit ans.

En 1791, il aurait rejoint l'armée de Condé, à Koblentz, formée exclusivement d’émigrés français. Il y occupe le grade de colonel. En 1792, il devient aide de camp du duc de Brunswick pour qui il aurait travaillé comme agent secret.

Puis, le chevalier abandonne la cause des émigrés et devient espion pour la République... Il est certain qu'à partir de septembre 1792, Nerciat travaille pour le gouvernement révolutionnaire.

À la suite de ces deux missions, Nerciat ne rentre pas en France. Il aurait alors exercé le métier de libraire d’abord à Neuwied, ensuite à Hambourg et enfin à Leipzig. Trois de ses romans paraissent durant cette période, soit Monrose (1792), Mon noviciat ou les joies de Lolotte (1792) et Les Aphrodites (1793).

En 1796, Delacroix, ministre des Affaires étrangères, charge Nerciat d’une importante mission secrète. Le chevalier doit sonder à Vienne les chances d'une paix séparée avec l'Autriche.

Nerciat adresse régulièrement des rapports au secrétaire de Delacroix, Guiraudet, avec qui par ailleurs madame de Nerciat, faute d’avoir son mari auprès d’elle, entretient des relations intimes.

Ensuite, Delacroix l'envoie en mission en Italie. Devenu agent double, il y sera emprisonné et se retire à Naples pour y mourir...

Sa vie fut aussi dangereuse que son œuvre est joyeuse.

A suivre …

Sources : De la représentation au mythe : l'ambiguïtée féminine dans le roman libertin du XVIIIe siècle par Morgane Guillemet

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