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Mariage ou amour courtois ? Erec et Enide.

Publié le par Perceval

Chrétien de Troyes (1165-1190), a écrit cinq romans dont le dernier est inachevé. Les quatre premiers sont liés à la relation courtoise. Chrétien n'apprécie pas trop les histoires scabreuses ( comme Tristan et Yseult), l'adultère, et les 'règles' de l'amour courtois qui écornent le mariage…

– Erec et Enide ( 1170) s’intéresse à la relation entre fin'amor et mariage. Peut-on être à la fois la dame et l'amie de son seigneur et maître ? Pourquoi l'amour que l'on dit courtois est-il incompatible avec le mariage ?

Un chevalier est ici jugé sur sa supériorité au combat, mais aussi sur la beauté de sa dame. Ici, ce qui est beau est bon…

Tout le monde reconnaît la beauté étonnante d'Enide, et c'est à elle que le roi Arthur donne le baiser promis à l'issue de la « chasse au blanc cerf ». Erec est fils de roi, il a des terres, ce qui justifie son mariage. Le récit ne fait que commencer …

On considère traditionnellement dans ce récit, deux parties, sur le modèle de nombreux romans : La première partie raconte une conquête facile, où l'individu cherche d'abord sa propre réalisation, et un bonheur individuel ; la seconde, souvent plus longue, dépasse l'individu et fait de lui une personne, membre à part entière de la société.

1ère partie – L'aventure commence à la cour d'Arthur, à Pâques, et Erec est d'abord défini comme chevalier de la Table Ronde. Il escorte la reine Guenièvre au cours de la chasse au cerf blanc. Cette chasse encadre l'épreuve de l'épervier qui consiste à déclarer une jeune femme la plus belle et à être prêt à défendre cette affirmation les armes à la main. ( Gauvain s'oppose en vain à cette tradition, source de conflit.)

Erec est insulté indirectement, puis directement, par le nain d'un chevalier... Il part à sa poursuite pour se venger, il parvient à un village. Erec loge chez un vavasseur, dont la fille l'éblouit. Il lui révèle que le chevalier vient réclamer l'épervier réservé à la plus belle dame. Erec demande au vavasseur une armure et la main de sa fille, pour pouvoir s'opposer au chevalier. Le lendemain, Erec défie et terrasse le chevalier, qui est envoyé à Arthur afin d'annoncer Erec et sa compagne. Pendant ce temps, Arthur, dont les gens ont capturé le cerf, est prié par la reine d'attendre le retour d'Erec avant de rendre les honneurs du cerf blanc à la plus belle dame.

Erec fait ainsi reconnaître la beauté d'Enide malgré sa pauvreté, comme elle sera reconnue, somptueusement vêtue par la reine, à la cour.

Cette première partie ne comprend pas le mariage, mais se termine avec les fêtes accueillant les jeunes gens au royaume du roi Lac C'est le triomphe de la jeune femme, reconnue première dame de la Cour (après la reine Guenièvre), et celui d'Érec, devenu enfin un vrai chevalier, pourvu d'une amie, et second Chevalier de la cour, après Gauvain, le "chevalier parfait"

 

La seconde partie commence avec le mariage, qui apparaît ici comme un obstacle à la chevalerie. En effet, sitôt mariés, les deux jeunes gens s'abandonnent au bonheur individuel ; Énide n'est plus la "dame" à conquérir et à mériter, mais la "femme", l'"amie", l'"amante" déjà acquise ; Érec s'endort dans la "récréance", c'est-à-dire l'oubli de ce pour quoi il est né : l'aventure, les armes, le combat. Et ses amis s'en désolent.

Erec reste ensuite un an auprès de sa femme, temps durant lequel il cesse de guerroyer, ce qui provoque des murmures sur son compte venant des autres chevaliers ; à cause de cela, Enide en vient à lui faire reproche de demeurer auprès d’elle. Ces plaintes décident Erec à partir seul avec son épouse en aventure, mais en interdisant à celle-ci de lui parler.

Les deux héros ont à prouver quelque chose: Erec semble avoir surtout été blessé par le fait que sa femme mette en doute ses qualités, et veut savoir si elle l'aime vraiment ; et Enide doit être témoin de ses prouesses pour se repentir de ses doutes 

C'est le départ "à l'aventure" : Énide joue un rôle unique dans la littérature chevaleresque. Ni pucelle isolée à sauver, ni "dame" commandant les épreuves mais restant au château, elle accompagne Énide et chevauche devant lui, dans ses plus beaux atours.

Quatre épreuves s'enchaînent, puis cette partie médiane s'achève avec la rencontre de la Cour du Roi Arthur.

Mais Érec ne saurait demeurer à la cour : il n'est plus récréant, mais il n'est pas encore un chevalier parfait. Jusque là, il n'a fait que subir ses aventures et se retrouver lui-même. Il doit à présent aller plus loin.

Enide violera à plusieurs reprises l'ordre de ne pas parler à Erec, pour le sauver, d’abord de chevaliers bandits, ensuite d’un comte malhonnête qui la désirait pour lui ; Erec affrontera également deux géants. A la suite d’une autre péripétie, durant laquelle Enide repoussera les avances d’un autre comte pendant que le héros passera pour mort, le couple se réconcilie définitivement. Dans un ultime épisode, Erec vainc un chevalier condamné à combattre tous les visiteurs d’un jardin merveilleux à cause d’une promesse faite à sa femme

La "Joie de la Cour", dernière aventure que doit mener Erec fait aussi écho à sa propre histoire puisque la demoiselle qui retient le Chevalier vermeil dans son verger enchanté le coupe de la société, comme Erec s'en était coupé, volontairement, lui, en se retranchant dans sa chambre avec Enide. En "désenchantant" le verger par sa victoire sur le chevalier, il prouve que le chemin qu'il a parcouru a bien été formateur pour lui, et que la mesure dont il fait maintenant preuve, capable à la fois d'aimer et de combattre, le qualifie définitivement pour gouverner ses terres.

L'histoire se termine par le couronnement des deux héros, à Nantes après le décès du père d'Erec – par le Roi Arthur lui-même – et après qu'Erec, à travers neuf aventures savamment graduées, aura reconquis son titre de chevalier mis à mal par sa passion exclusive pour sa jeune femme.

 

Erec, s'abandonne donc aux séductions de la vie conjugale, et renonce à prendre part aux aventures chevaleresques… Il devient « récréant »… Est-il encore digne du nom de chevalier ?

Et, c'est Enide qui se sent bafouée … Erec, entre dans une grande colère. Il va décide t-il, apprendre à sa femme à se conduire selon son devoir, et en même temps prouver à la face du monde que sa valeur, son prix n'est en rien diminué par son mariage …

Enide doit être témoin de son abnégation, et constater qu’il n’a rien perdu de sa vertu guerrière ; donc elle doit l’accompagner dans son errance. Mais, accompagné d’elle, elle représente un danger perpétuel qui naît du fait que les chevaliers méchants voudront se débarrasser du mari pour prendre la femme. Chrétien explique dans Lancelot qu'il existe une coutume courtoise qui ne permet pas à un chevalier de violer une femme rencontrée sur son chemin, sauf si elle est accompagnée d'un autre chevalier, que le premier vainc au combat.. ! Erec impose à Enide le silence parce qu’il veut l’empêcher de jouer un rôle auxiliaire, lui interdire de lui être d’un quelconque secours. Elle, de son côté, enfreint cet interdit et par de nombreuses ruses tient à prouver son amour pour lui.

Erec et Enide, vont ainsi réaliser l'équilibre délicat entre passion amoureuse et respect conjugal. Ils rencontrent un autre couple, lors de l'aventure dite de «  la joie de la cour »… Pour plaire à son amie, un chevalier, Mabonagrain, a promis d'obéir à tous ses commandements… Ainsi, ne quitte t-il plus un verger 'enchanté'… de plus, la dame arrange une sorte de piège pour tous les chevaliers qui passent par là, ils sont contraints de combattre Mabonagrain. S'ils perdent ( et, ils le sont toujours …) leurs têtes ornent sur des piques l'entrée du verger … !

La part du « merveilleux » est importante. Ici, plusieurs éléments, en plus du lieux même du château, de la forêt .. de la beauté des personnages … empruntent aux légendes :

– La Chasse du Blanc Cerf : au terme de laquelle celui qui a tué la bête doit donner un baiser à la plus belle jeune fille de l’assemblée et réticences de Gauvain

– Le cerf blanc : le cerf est très important dans la symbolique celtique. Les bêtes blanches, dans le folklore gallois, proviennent d’Annwn, qui est à la fois le pays des morts et celui des fées.

– Le combat pour l’épervier

– Les géants et le chevalier

– La « joie de la cour », et le jardin entouré d’une muraille d’air, et où en toute saison les arbres fleurissent et les fruits sont mûrs.

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