Du Féminin légendaire... - 7/.- Les Lavandières
Conte :
On situe près d'ici, non loin du bourg, ce que j'appelle une mare, mais qui est nommée ''la pêcherie''. Ce lieu est emblématique de notre Limousin ; on y trouve sur le bord du chemin, une croix. Un peu plus bas '' la fontaine '' puis à côté '' la pêcherie''.
Le soir, à la veillée, si l'on en parle ; un conteur d'entre nous rappellera cette histoire, que nous connaissons tous ; mais le ton, les mots choisis, les silences feront que nous avons impatience de l'entendre encore... Cela se résume comme ça :
Alors qu'il passe près de ''la pêcherie'', l'homme entend de bruyants clappements d'eau. Il s'approche et il aperçoit une femme qui bat du linge à grands coups de « pesteu ».
Chose étrange, la surface de l'eau ne se ride pas... Par contre, le linge qu'elle secoue claque et elle-même souffle à pleins poumons.
Curieux, notre homme ne peut se retenir d'interpeller la femme... Mais, elle ne répond pas, à aucun de ses appels... Elle continue à faire son travail à une cadence de plus en plus rapide.
Le lendemain, notre homme raconte la chose... alors, un vieux maugrée qu'il a tout simplement vu le fantôme d'une lavandière du bourg... C'en est une qui est morte en état de péché ; oh, depuis longtemps... Et maintenant, elle reste tourmentée par le diable qui la condamne à subir l'enfer là où, toute sa vie, elle a médit.
Si le vieux ne dit pas qu'elle est donc sa faute... Une vieille, précise qu'il y en avait une qui avait tué son enfant …
Puis, une autre femme ajoute : ce qui est sûr, c'est qu'elle doit laver des linges de plus en plus sales. Elles ne sera quitte que si elle le rend blanc comme neige.
Après un soupir de soulagement... Une femme, encore, précise que le diable veille et rend la chose impossible en touillant le fond de l'eau pour que la vase remonte à la surface.
Le vieux reprend la parole : Surtout... Bien retenir, qu'il est risqué de rencontrer des lavandières de nuit. Certains, trop curieux, ont été poursuivis par des lavandières de nuit, et elles les assomment à coups de battoir, au point de les laisser morts sur place.
Une femme ajoute : - cela vient de ce qu'elles ont honte d'être reconnues....
On dit que ''les lavandières de nuit'' sont les âmes des mères infanticides, elles battent et tordent incessamment quelques objets qui ressemblent à du linge mouillé, mais qui, vu de près, n’est qu’un cadavre d’enfant.
Aujourd'hui, au ''Tourist-Information'' ; on dit que dans certains petits bourgs du Limousin, le lavoir s'appelait Pêcherie. Les habitants y élevaient du poisson et les dames y lavaient le linge.
On en voit encore à Montgermain, à Saint-Vitte sur Briance... etc
Ces '' pêcheries'' ont connu de multiples usages : retenues d’eau à partir desquelles partaient des rigoles pour irriguer les parcelles alentour, elles servaient aussi à abreuver les animaux. Le chanvre y macérait. Au Moyen Age, une partie de rivière, bloquée des deux côtés formait la pêcherie.
De plus une ''recommandeuse'' de '' Bonnes fontaines'' pouvait l'avoir dans son catalogue...
Les lavandières '' de jour '' .. ! travaillaient, agenouillées contre une selle en bois. Elles frottaient le linge avec du savon sur une pierre à laver ou sur une planche en bois crantée. Elles battaient ensuite les grosses pièces avec un «pesteu» (petit battoir) pour les essorer.
Au printemps et à l’automne avait lieu la «bujade» (grande lessive)
Les lavoirs construits l'on été à partir du XVIIIe siècle, et tout le long du XIXe chaque commune a son projet subventionné : le lavoir devient alors le nouveau temple de la propreté, à la gloire de chaque commune, au même titre que la nouvelle école et la mairie.
La lavandière lave le linge par profession ; elle peut coyer la ménagère de condition modeste qui vient battre elle-même son linge à la rivière.
On devenait lavandière généralement de mère en fille. Cette profession n'est pas facile et les conditions de travail y sont très pénibles : les mains, plongées dans l’eau froide et parfois glacée l’hiver, en ressortent meurtries, gercées et crevassées... Cela en faisait des femmes robustes réputées pour la verdeur de leur langage.
Avant que le ''professeur'' continue son discours ; le ''conteur'' tient - à ce propos - une histoire... Une histoire vraie bien sûr ; la preuve, elle se situe à La Souterraine :
Dans une pauvre maison du quartier de Saint-Michel habitait, il y a bien longtemps, un vieux tisserand avec ses deux filles jumelles, Albine et Blondine, dont la mère était morte en leur donnant le jour. On les appelait les lavandières parce qu’elles lavaient le linge des voisins pour gagner leur vie.
A cette époque, et la coutume s’en est conservée longtemps, la Fête-Dieu était célébrée à La Souterraine avec un éclat extraordinaire : toutes les maisons, sur le passage de la procession, étaient décorées de tapisseries ou de draps blancs ornés de fleurs...
Or, une veille de Fête-Dieu Albine et Blondine décident, elles aussi, d’étendre leurs mauvais draps bien blancs devant leur porte et, pour ce faire, d’aller les laver la nuit dans la Sédelle. Elles se lèvent donc bien avant le jour, passent entre les deux cimetières et font, en s’agenouillant, leur prière du matin devant la pierre de Mousse-Gagnet, gardien du saint lieu. La veille, il a tonné et plu, mais le temps, redevenu beau dans la soirée, annonce un magnifique jour de Fête-Dieu.
Les jeunes lavandières descendent le Peu-de-Sedelle et croient voir dans le pré du Gachet une lumière blanche et bleue qu’elles prennent pour des feux follets, les échantis, qui s’exhalent des marais par les nuits d’orage. Elles se signent bien vite, franchissent les premières pierres et remontent jusqu’aux grands rochers qui, à cette époque, obligent la rivière à se partager en deux branches. Elles se mettent aussitôt à l’ouvrage, n’ayant oublié ni le morceau de savon, ni les battoirs. Mais tout d’un coup, l’eau de la rivière se trouble, passe par dessus les pierres sur lesquelles elles se sont agenouillées, pendant qu’au loin se fait entendre le bruit d’un torrent déchaîné. Le pré du Gachet se couvre d’eau en moins d’une minute, la rivière monte toujours et les malheureuses fillettes sont entraînées par les flots.
Une soeur, qui veille à l’hôpital auprès d’un malade, a entendu des bruits de battoirs, celui du torrent et, maintenant, le cri désespéré des jeunes filles emportées par la crue. Ouvrant sa fenêtre, elle voit les ravages de l’inondation, donne l’alarme et fait sonner le tocsin sur la petite cloche de l’hospice. Les recherches entreprises ne font découvrir que les deux battoirs couverts de vase.
Voici ce qui s’est passé : la chaussée de l’étang de Malonze s’est rompue pendant la nuit, les eaux ont entraîné des meules de foin qui ont fait écrouler le pont de Lavaud et inondé tout l’aval.
Le père des malheureuses lavandières, qui se nommait Christophe, suivit les bords de la rivière pour retrouver ses filles, mais ce n’est qu’au bout de huit jours qu’on les découvrit dans l’étang du moulin de Gaulier, enroulées dans leurs draps comme dans des linceuls. Quand au père Christophe, on ne le revit jamais et jamais on n’en entendit plus parler.
Le curé de La Souterraine croyant à un double suicide refusa à Albine et Blondine les prières des morts. Mais les habitants du quartier de Saint-Michel creusèrent une fosse sous le grand ormeau du cimetière de Mousse-Gagnet et on finit par célébrer un service funèbre quelques jours plus tard en l’église Saint-Michel.
Les vieux racontent que les jeunes filles se lèvent encore avant le jour, à la Fête-Dieu, pour aller écouter sur le Peu-de-Sedelle le bruit des battoirs des jeunes lavandières – on dit ici - les claffes-bujades.
A suivre ….